samedi 22 février 2014

La fierté du patrimoine


Dans un pays aussi grand et diversifié que le Chili, avec une histoire indigène où les colons imposent ensuite leur modèle, un peu dur de trouver sa place sur le plan culturel.

Une chose est sûre le Chilien, qu'il soit originaire de Santiago, du désert d'Atacama ou du fin fond de la Patagonie, est fier de son pays. Peut être que ce manque de similarité au premier abord, par l'origine culturelle ou la géographie, est le facteur qui pousse vers une unité du Chili.

Drapeau quelques jours avant la fête nationale


Voici la liste de quelques produits ou traditions où si vous demandez des renseignements on vous répondra "Es chileno" (= c'est chilien).




- le vin (haut gauche : à la cave Concha y Toro)
- les empanadas (haut droite)
- les alfajores
- le pisco
- la palma (même dans son nom latin Jubea chilensis)
- l'artisanat en terre cuite (bas gauche : à Pomaire)
- la cueca (bas droite : Spectacle à Iquique)









Cette fierté a de bons côtés, comme le fait que la cueca (danse traditionnelle) soit apprise dans toutes les écoles et que la tradition persiste mais aussi avec variantes plus urbaines. Mais un domaine où le patrimoine chilien est fort est celui des vestiges des communautés indigènes. Outre le cas des mapuches (cf article) on peut citer le cas des indiens atacameños, dans la région de San Pedro de Atacama.

 Ce sont les descendants d'un peuple quasi disparu, car il a subi les invasions incas et espagnoles qui l'ont décimé. Ils vivent toujours dans le désert d'Atacama, d'Iquique à Antofagasta, dans des lieux stratégiques comme des vallées ou des parties enclavées entre les montagnes . Aujourd'hui il ne reste que quelques vestiges de ce qui furent des forteresses impressionnantes, avec des systèmes d'irrigation permettant de vivre en plein désert

 Monument commémoratif en l'honneur des Atacameños







  Champs et système d'irrigation, 
créé aux alentours du Xème siècle.







Les vestiges de la forteresse de Pukara Quitor


Pour maintenir ce patrimoine et permettre à la communauté de vivre,  les descendants de ces indiens ont demandé à avoir la gestion de ces sites. Ainsi ils peuvent faire respecter les lieux tout en accord avec leurs croyances, par exemple en fermant un site aux touristes pour une cérémonie. Suite à cela, ils ont aussi demandé à gérer des lieux touristiques non bâtis mais liés à leur culture, tel que le Salar d'Atacama. Là c'est pour les revenus que procure l'entrée que c'est très intéressant. Pour toutes les décisions qui sont d'ordre de la gestion proprement dite du site (volet environnemental et forestier) il y a une concertation avec la CONAF. Ce système est donnant-donnant car ce sont les indigènes qui assurent les permanences pour les droits d'entrées (tâche que les gardes forestiers n'apprécient pas trop de ce que j'ai pu en discuter avec eux) mais la préservation du site est assurée.                                                                                                     Atacameña à l'entrée du Salar d'Atacama




Cependant ces ressources sont mal distribuées et les drogues et l'alcool n'aident en rien ; la plupart des atacameños vivent tous dans un quartier un peu bric-broc (poblacion), en dehors de la ville historique maintenant devenue touristique.














 A droite, la poblacion où vivent les Atacameños
A gauche les rues de San Pedro de Atacama,
en terre battue pour plaire aux touristes qui aiment "l'authenticité" 

C'est un peu dommage quand on repense aux bâtisseurs qu'étaient les atacameños



Une belle association pour la gestion des monuments, mais l'attrait du tourisme de luxe pour la culture atacameña est tel que certains délaissent la gestion des réserves pour satisfaire cette demande (plus rentable) en enseignant des reliquats de croyances et de culte devant des touristes. Heureusement des ONG les aident pour améliorer leur statut auprès de l'état.

vendredi 21 février 2014

Mapuches et forêt


 Drapeau mapuche 
Source : http://www.mapuche.info/

 La communauté mapuche vit au Sud du Chili et de l'Argentine depuis des siècles. 
Ils ont d'abord résisté aux Incas, puis aux Espagnols, grâce à leur force guerrière et la frontière naturelle du fleuve Biobio, qui coule au Nord de Temuco.
A la fin du XIXème une campagne militaire de pacification (drôle d'oxymore) des peuples indigènes les soumet définitivement et ils s'intègrent peu à peu à la population chilienne. Peu à peu car les terres où ils vivaient ont été vendues à des privés et ils se sont retrouvés coincés dans des réserves minuscules. Puis le gouvernement d'Allende rend à la communauté mapuche des territoires qui leur appartenaient ancestralement. Mais Pinochet, les leur reprend pour transformer les forêts natives en plantations. A la fin de la dictature, un mouvement social mapuche se lève pour demander le droit à leurs terres, transformées en terres agricoles et plantations maintenant mures. Face à une réaction un peu lente de l'État et une colère accumulée, la protestation se lève sous différentes formes, protestations pacifiques, grèves de la faim, manifestations, incendies volontaires et attentats. Un récent rapport des Nations Unies confirme leur identité en tant que peuple indigène et des associations mapuches demandent le droit à l'autodétermination pour accéder à une autonomie comme en les Comunidades autonomas d'Espagne. Ils représentent actuellement plus de 4% de la population du pays ( soit la grande majorité de indiens) et vivent principalement en Araucanie, leur région d'origine mais aussi à Santiago.

Manifestation mapuche à Temuco 
Banderole:"Pour la liberté du territoire mapuche, ,nous vaincrons!!"
Source : Emol.










Ce paragraphe historique permet de saisir un peu du conflit mapuche mais ce n'est pas la première raison de cet article. 


La raison c'est que les mapuches sont littéralement le "Peuple de la terre". Ils vivent de chasse, de pêche pour ceux près de la côte mais aussi et surtout des ressources de la forêt. L'Araucaria (petit héros de ce blog) est un arbre sacré pour eux.

 

J'ai eu l'occasion de passer quelques jours dans une réserve Huiliche (une des ethnies mapuche), sur la côte à l'ouest d'Osorno. Sur la route qui y mène ce ne sont que plantations d'Eucalyptus, mais à une dizaine de kilomètres de la côte, un panneau indique l'entrée dans la réserve et là on voit enfin de la végétation spontanée (ouf on se sent moins étouffer!).

Entrée de la communité indigène Choroy Traiguen, dans la région de los Lagos


Trois villages s'étalent dans des petites baies successives. L'auberge où je loge est tenue par une Huiliche qui me parle un peu des lieux. 

La baie de Mailcophue

C'est un endroit magnifique et malheureusement il est victime de son succès. Entre l'hiver et l'été la population double! Et de plus en plus de maisons se construisent.

Les Huiliches qui vivent là sont encore nombreux. Mais leur principale ressource, l'Alerce (Fitzroya cupressoides) n'y est plus. Cet arbre qui a pourtant une longévité énorme (plus de 3600 ans!) a aussi la belle qualité d'être imputrescible. De nombreuses maisons sont construites en alerce, les murs et le toit, qui résiste très bien même au climat marin. Le temps et les intempéries n'ont jamais détérioré aucune construction en alerce à ce jour.


A gauche : Alerce de plus de 3000 ans de le Parc national Alerce andino, région de los Lagos
En dessous : Vente de bons pour parrainer un alerce sur le site Groupon.cl






Pas étonnant que la plupart aient été sauvagement coupés. Il est maintenant protégé dans des réserves et des opérations de sensibilisation et d'appel à des dons sont régulièrement menées. Un peu sceptique, mon interlocutrice me dit que le site Groupon en alliance avec le WWF a proposé des bons à 3€ pour parrainer un alerce pour 1 an. Elle préférerait que l’État chilien et les assocs "gringas" laissent ça aux Huilliches, de qui c'est le patrimoine, même si l'intention est louable.


Je lui demande où je peux voir un de ces fameux alerce, car je n'ai toujours aucune idée de ce que c'est, et elle me répond avec des indications très vagues, méfiante. Je sens bien que pour elle, le tourisme dans les réserves est possible mais il ne faut pas empiéter sur la culture du peuple huiliche.
Je la rassure sur mes intentions puis la remercie pour les infos. Pas d'alerce pour aujourd'hui. Tant pis, mais j'en ai appris pas mal sur les rapports entre Huilliches et la nature.

Les rapports entre Mapuches et Chiliens sont assez tendus à cause de la question de la propriété des terres et de leur gestion. Parmi les terres rendues aux mapuches, on trouve parfois une gestion vraiment douteuse, car pour assurer des revenus certains mapuches peu scrupuleux exploitent tout sans se soucier de la pérennité de leur forêt.