mercredi 22 octobre 2014

Résultats du stage

Je vous avertis, pour les non-initiés au monde forestier, de l'écologie ou des images satellites, il vaut mieux s'accrocher. J'ai essayé de simplifier tout en restant dans du concret, mais quand on a bossé 6 mois dessus, difficile de trop vulgariser.

Le stage est maintenant bel et bien fini, avec le rapport remis à mon tuteur et un peu de temps pour reprendre ce blog. Au bilan de cette expérience professionnelle: 

La participation à un article sur l'autopoièse des écosystèmes.
Maturana, Transformation
avec la coexistence
Vous vous demandez ce que c'est l'autopoièse? Et bien c'est la grande question que je me suis posée pendant quelques temps. Si on en revient au grec, ça veut dire se faire soi-même. Mais après? L'idée, c'est que les écosystèmes sont un peu comme des cellules, ils se créent et se structurent tout seuls dans le but d'accomplir une fonction. Et de là découle la question de : qu'est ce qu'on conserve? Une espèce? Un écosystème ou une fonction? Grande question, qui à mon avis doit être débattue dans les hautes sphères de l'écologie. Donc mon rôle dans tout ça: faire un petit bilan bibliographique qui servira d'intro à cet article scientifique et permettra d'introduire le concept du fonctionnement autopoiétique des écosystèmes. Au menu c'était énormément de recherche, définitions,un petit séminaire avec Humberto Maturana, créateur du concept d'autopoièse, le tout en un temps record pour avoir un premier jet. Je reste un peu sceptique sur le sujet en général mais encore plus sur ma participation à cet article, mais qui sait, peut être dans quelques années, je verrai mon nom apparaître en fin de liste d'une publi!

Le super schéma à droite c'est le principe d'autopoièse. L'interprétation c'est que l'écosystème (le rond) fonctionne avec l'ensemble des éléments qui le composent en perpétuelle reconstruction, et que ces éléments interagissent entre eux et interagissent aussi avec le milieu (symbolisé par la vague. J'espère avoir été claire!


La rédaction d'une méthodologie de traitement d'images satellites
Dans le cadre du projet du NSF dont j'ai parlé en présentation du stage, il fallait mettre au point une méthodologie uniforme pour traiter les images satellites et séries temporelles. Après plusieurs tâtonnements, notamment face aux images du satellite LandSat 8, j'ai établi un processus de pré-traitement, calibration,  interprétation et statistiques qui sera mis en œuvre sur les différents jeu de données. Lors de mon stage, 3 bassins d'études étaient délimités, mais une dizaine est encore attendue. J'ai donc créé de traitements automatisés (avec Model Builder de ArcGIS entre autres) ainsi que des nomenclatures sur les modes de représentation graphique et les traitement statistiques, pour que les zones d'étude à venir soient réalisées de la même manière. Le tout rédigé en espagnol et en anglais au cas ou un stagiaire étranger vienne prendre ma suite.





Le traitement cartographique des premiers bassins versants
C'est là que tout devient intéressant : qu'est ce que ça donne en termes de résultats de terrain et compréhensibles?
La dynamique de la végétation spontanée dans les bassins versants en forêt native a tendance a se densifier et à monter en altitude. Ces observations sont cohérentes avec le contexte de changement climatique.



 

Le bassin versant en plantation a une dynamique très particulière due notamment à l'exploitation. On remarque que les bandes de forêts autour de cours d'eau sont plus larges entre 2007 et 2013, ce qui est expliqué par la volonté de l'entreprise forestière de les élargir.




Le traitement de l'indice de végétation des premiers bassins versants.

Par l'intermédiaire du NDVI on approche la production en bois des bassins versants. Une valeur proche de 0 révèle un sol nu, proche de 1 une végétation très dense. Les données sont calculées tous les 16 jours sur un rectangle couvrant le bassin versant, un moyenne du rectangle est calculée pour chaque rectangle. On remarque que les bassins en végétation spontanée ont des courbes très similaires, alors la plantation (Las Cabras) révèle un feuillage plus constant. La diminution progressive est due aux coupes de récolte de la forêt mature, qui dénudent le terrain et font baisser la tendance du NDVI.

 Pour ces 2 volets de l'étude, il est nécessaire d'avoir plus de bassins versants étudiés pour pouvoir valider les tendances évoquées ici, notamment en faisant des statistiques.

En bref, un stage très intéressant pour le développement de la langue espagnole à l'oral et à l'écrit, l'apprentissage de la rédaction d'articles scientifiques, l'utilisation d'outils pointus de télédétection, SIG et statistiques. Sans oublier toutes les opportunités et apprentissages de savoir-être, ouverture à l'autre, travail en équipe, multiculturalité...

lundi 23 juin 2014

Etudier la forêt au Chili


L’avantage d’être en stage dans une fac c’est qu’on peut voir comment est fait l’enseignement ici. En discutant avec des collègues du labo, qui sont des élèves ingénieurs forestiers tout juste diplômés et des profs de la fac, je commence à me faire ma petite idée.

Juste pour le rappel
La forêt au Chili, c’est 2,9 millions hectares de plantations, plantés massivement depuis 1970. Les autres forêts, c’est du bosque nativo (souvent difficile d’accès, parfois dans des réserves gérées par la CONAF), dont la vocation première est la conservation, et donc surtout pas la production. Et oui, la gestion de forêts c’est la gestion des plantations ! 
Plantation de pins en Patagonie

L’histoire des facs d’ingénieurs forestiers
Dans les années 1970, parallèlement à l’augmentation des plantations d’eucalyptus et de pins, ouvrent 3 facultés d’Ingénierie forestière (Santiago, Concepción, Valdivia). Ce nombre augmente jusqu’au milieu des années 1990 où ce sont plus de 800 élèves/an sortant de 17 facs. Ça fait beaucoup surtout quand on compare à la France :
·         Pour une surface de forêt équivalente, mais où on se préoccupe surtout des plantations

·         Une population de 13 millions d’habitants (environ 20% de la population française à la même époque)
Résultat pas mal d’ingénieurs restent à vie sur des postes de techniciens en étant sur-qualifiés et le chômage est plutôt fort alors que le pays est en croissance économique. En effet, le besoin en ingénieurs forestiers est calculé à 50-100 ingénieurs/an pour l’ensemble du pays.

Courant 2000, beaucoup d’universités ferment, en 2003 il y a encore 650 étudiants qui entrent dans les 14 facs de ce domaine mais en 2012 ils ne sont plus que 100 dans 6 facs. Bien que conscients de leur surnombre, ça les surprend quand je leur parle d’AgroParisTech, seule école française formant à ce jour des ingénieurs forestiers. Mais ce qui les surprend le plus c’est quand je leur parle de ce qu’on y apprend.
A la Pontificia Universisdad Catolica de Chile, à Santiago, la forêt a aussi été rattachée à l'agriculture


Les facs au Chili
Il faut savoir que l’éducation supérieure au Chili, c’est dans la majorité des cas plus une histoire de business que de formation. Bien qu’il y ait un examen à la fin du lycée où les meilleurs peuvent choisir la formation qui les intéresse, c’est aussi une histoire d’argent car les droits d’entrée sont très chers. Par très cher j’entends plus de 6000€/an et les boursiers sont rares. Et malheureusement ce n’est pas dans la qualité des cours que se retrouve cet argent, mais plutôt dans les infrastructures assez imposantes et les privilèges/avantages des professeurs et directeurs. Depuis 2011 des manifestations d’étudiants demandent une reforme de ce système et Michelle Bachelet, présidente élue en décembre 2013 prône l’éducation gratuite dans son programme.


Allée centrale du campus de la Pontificia Universidad Catolica de Chile, à Santiago : fontaines, statues, espaces verts, église et immenses terrains de sport, un campus sur le modèle américain qui n'arrête pas de s'agrandir.

Qu’est-ce qu’on apprend en tant qu’ingénieur forestier?
Sur le papier le programme n’est pas bien différent de ce qu’on apprend à AgroParisTech : écologie végétale, sol, eau, climatologie, sylviculture, SIG, planification territoriale, statistiques, gestion forestière, restauration écologique… Super !

J'ai découvert la réalité en allant faire une sortie terrain avec des étudiants d’équivalent M1. Ils ne connaissaient pas les arbres mais n’avaient pas pris de flore pour les déterminer, ne savaient pas se servir d’un dendromètre et prenaient le D1.3 tantôt au ras du sol, tantôt en biais, tantôt à hauteur d’épaule. OK, ce ne sont peut-être pas des gens de terrain, allons voir ce que ça donne au laboratoire. En fait, c'est un peu la même chose : je me rends compte que ma formation pas encore achevée me donne une meilleure maitrise d’outils comme ArcGIS et les statistiques que des doctorants formés ici.
Cependant, on trouve de nombreux futurs forestiers avec une spécialisation dans la programmation et les images satellites, les index de végétation et la modélisation. Ça c’est une grande nouveauté pour moi. Également quelques profils d’étudiants qui font une  licence en physique, informatique ou maths puis un master en forêt pour appliquer ces outils.

Et sur la gestion forestière ça donne quoi ?
Les notions de taillis et futaie sont inconnus, je ne parle pas même pas de la futaie irrégulière. Leurs cours de gestion forestière c’est comment gérer des plantations qui suivent un rythme de plantation- croissance-coupe rase-plantation tous les 30 ans. Car pour eux, 50 ans c’est une rotation longue… Aïe !
Photo satellite Google map de la région du Maule
On voit bien les plantations mûres et juste plantées, le sol nu et en plus clair, la forêt native

La gestion se fait depuis les bureaux des grandes firmes qui possèdent le terrain, avec des modèles de croissance et  de la télédétection. Pas beaucoup de boulot de terrain vu qu’il n’y a pas de martelage, mais beaucoup plus de planification et de logistique.

Les ingénieurs forestiers, vers une crise ?
Des étudiants qui ne trouvent pas de poste, des coupes rases avec impact paysager fort, des revendications mapuches et écologistes… Les ingénieurs forestiers ont de moins en moins la cote. La solution ? On change le nom de la formation en intégrant environnement et gestion des ressources naturelles mais le contenu reste le même car les postes, eux, ne changent pas.

On espère que ça va donner un nouveau boom dans les entrées à la fac et dans l’emploi mais il faut que ce système fasse ses preuves. Les métiers derrière cette nouvelle formation c’est effectivement gérer les plantations, mais aussi travailler auprès des grandes exploitations minières. Pour répondre aux exigences du gouvernement et avoir bonne presse, elles mettent en place des actions de restauration écologique ce qui recrute pas mal d'ingénieurs en environnement. Mais à ce que je crois comprendre, c'est plus de green washing que d'actions réelles. Résultat à voir d’ici quelques années. 
 











A gauche, au second plan, les résidus d'une exploitation minière dans la région de Rancagua. Zone privée et interdite d'accès.
A droite une vue satellite Google map de la surface que représentent ces résidus. 
Quelle place pour la forêt?





Je dresse un tableau plutôt mitigé de cette formation car je suis un peu déçue, pensant en apprendre beaucoup sur la forêt au Chili. Mais comme partout il y a une possibilité de changement : des étudiants très motivés se lancent dans des doctorats ou alors partent étudier en Europe. Pourquoi ça ne fait pas beaucoup évoluer la formation au Chili ? Parce que ces étudiants s'installent au Canada ou aux États Unis dès que possible car c’est là que se trouvent l’argent et les moyens. Ceux qui restent s’investissent dans des associations mais ils ont encore beaucoup de chemin à faire.

mardi 13 mai 2014

Le rôle de la CONAF


La Conaf, c'est quoi? C'est la COrporacion NAcional Forestal (Corporation nationale forestière), qui est à peu près l'équivalent de l'ONF français. Zoom sur cet organisme qui gère plus de 14 millions d'hectares (forêt, matorral, praderal).


Le logo des parcs nationaux de la CONAF,
avec Huemul, Araucaria et volcan

Ses missions

L'administration, la fiscalisation et la législation de la forêt
La CONAF, rattachée au ministère de l'agriculture, se charge du volet législatif qui concerne la forêt. Elle aide à l'élaboration des lois mais sert aussi et surtout à approuver les plans de gestion.
Tout propriétaire d'une forêt native (non plantation) doit soumettre un plan de gestion précisant, comme en France, les objectifs de gestion, les mesures sylvicoles, et les coupes prévues. C'est pour l'Etat un moyen de garantir une durabilité et une qualité de ses forêts natives. Elle distribue également des aides pour la reforestation, de 4 à 6 €/hectare selon les régions.
Pour ce qui est des plantations, la CONAF a un rôle de conseil auprès des petits et moyens propriétaires. Elle met à disposition des ingénieurs forestiers qui pourront aider à déterminer les objectifs de la plantation et comment y parvenir, en intégrant les problèmes de contrôle des maladies et de risque incendie.


La défense contre les incendies
Premier plan : Huemul dans une partie de la forêt brulée
Second plan : les fameuses Torres del Paine
Au Chili les incendies sont fréquents. Souvent liés à des départs de feu involontaires, il y a cependant un certain nombre d'incendies provoqués soit pour changer l'utilisation ou permettre de "nettoyer"  un terrain, soit pour manifester son opposition dans le cas des Mapuches. Du fait de l'aridité de certaines régions ou du manque d’accessibilité des autres, les incendies prennent vite une très grande ampleur et réduisent en cendres des centaines d'hectares. 
Prévenir et informer est donc une des grandes missions de la CONAF. Mais c'est aussi elle qui intervient quand il y a un incendie, avec l'aide des pompiers et de volontaires. 
Enfin la CONAF a un service spécialisé dans la restauration écologique après de tels événements. 
En 2011-2012, ce sont 17 500ha partis en fumée dans le parc national Torres del Paine. Cela constitue le dernier événement marquant et a donné lieu a de nombreux travaux de thèse sur la reprise de la végétation après les incendies en parallèle aux travaux menés par la CONAF.





La gestion des 100 surfaces forestières protégées de l'Etat 
(Réserves Nationales, Parcs Nationaux et Monuments Nationaux)
Ces parcs, réserves et monuments sont les seules forêts qui appartiennent à l'Etat. Ils sont entièrement dédiés à la biodiversité et à la conservation, pas à l'exploitation. La CONAF intervient au minimum pour permettre à la nature de s'exprimer, mais a un rôle important dans l'accueil du public. 
Entrée du parc national Vicente Perez Rosales,
plus vieux et plus visité du Chili
En effet, pour conserver sans dégradation, pas question de se balader librement. Des chemins de balade ou de randonnée sont créés et entretenus par les garde-parc. A chaque entrée de parc on trouve une officine CONAF qui donne des informations sur les randonnées et vous demande un petit droit d'entrée. Je vous laisse voir l'article sur les parcs pour en savoir plus sur ce point. On trouve souvent des campings et un centre de documentation, qui en dit plus long sur la faune et la flore la locale.









La protection des écosystèmes et de la biodiversité
Pour préserver la riche biodiversité chilienne, la CONAF agit avec la CONAMA (COrporacion NAcional del Medio Ambiante, la corporation nationale de l'environnement) pour mener des études de population et agir pour préserver les espèces. Cela vaut aussi bien pour la faune que la flore. 
Régénération de jubaea chilensis
au parc national de La Campana
On peut citer comme exemple les études et mesures pour la réintroduction du Huemul, (Hippocamelus bisulcus) au Sud du pays. Elles ont tellement bien réussi que le risque de disparition est maintenant très faible et on voit les Huemuls un peu partout dans le parc Torres del Paine (cf photo). 
Une autre de leurs interventions a été orientée pour préserver la Palma, ce super-palmier a une menace assez forte qui pèse sur lui : les vaches! Elles mangent toute la régénération et ça devient compliqué pour ces géants millénaires de maintenir leur population. La CONAF intervient comme médiateur pour demander aux exploitants de garder leurs animaux au pré ou encore en créant des endroits inaccessibles aux vaches où de jeunes plants pourront se développer. C'est vrai qu'ils ont l'air appétissants non?






L'éducation à l’environnement
Forestin le Castor, sur le mur de la CONAF
au parc national Siete Tazas
Un grand volet du travail de la CONAF, l'éducation à l'environnement, s'adresse surtout aux enfants avec des interventions ciblées. Cependant, on trouve dans beaucoup de parcs des centres d'initiation à l'environnement, pour apprendre aux visiteurs à reconnaitre les essences, découvrir les enjeux et l'histoire de la région et les sensibiliser aux problèmes des feux de forêt.
La mascotte, Forestin le castor a été adoptée depuis les années 80 et on peut la voir un peu partout. Il porte un casque de pompier car lors de sa création l'accent était vraiment mis sur les incendies.


Moi qui pensais que la CONAF était un pur équivalent de l'ONF, je n'avais pas pris en compte ses rôles de Centre d'Education à l'Environnement, de CRPF, et de DFCI. Mais il faut dire que la grande différence entre le Chili et la France, c'est que le Chili n'exploite pas les forêts de l'Etat pour en tirer du revenu, seule la conservation compte.

vendredi 14 mars 2014

L’accès à la forêt. Conclu

Après cette petite série d’articles traitant d’où et comment on peut aller prendre l’air et profiter de la forêt, quel est le bilan ?
Les plantations sont toutes des forets privées,  et en majorité possédées par des grands groupes. Parmi eux on peut citer Arauco et CMPC, leaders de l’industrie de la cellulose au Chili.  Les plantations sont en Pinus radiata et en Eucalyptus, à rotation courte et avec coupe rase, autant dire que je ne les ai même pas considérées dans les forêts où on aimerait se promener.
Les forêts natives sont à 56 % publiques (dont 29 qui sont protégées sous le statut de parc, réserve ou monument). On y trouve des paysages magnifiques, des écosystèmes rares et des merveilles de la nature mais l’accès est payant. Parmi celles qui sont privées, il faut se renseigner car on peut vite tomber sur des fils barbelés si le propriétaire ne veut pas que vous y entriez.
Alors oui la forêt au Chili est protégée, oui elle reste accessible au public, mais c’est considéré comme un loisir et non un droit. Le site Wikiexplora.com répertorie les balades et randonnées à travers le Chili, indépendamment du type de forêt et indique comment s’y rendre, les équipements disponibles pour l'accueil du public  ainsi que les droits d’entrées.

jeudi 13 mars 2014

L’accès à la forêt. 3/3

3 Les fundos privados

Cette dernière catégorie est celle à laquelle on a le moins facilement accès. En effet, ces terrains sont privés et appartiennent souvent à de grands propriétaires ou à des entreprises. Contrairement aux terrains communautaires ou à ceux de la CONAF (où leur vocation est un accès du public couplé à la protection du terrain), on distingue ici plusieurs grands cas de figure : 

Photo prise dans la région de Rancagua
- les terrains qui appartiennent à des individuels ou grandes entreprises (souvent minières) qui ne veulent absolument pas qu'on y entre, et c'est dans leur droit. Autant dire qu'on ne s'y aventure pas vraiment.






- les terrains où il n'y a pas d'interdiction tant qu'il n'y a pas de dégradation. Une sorte de droit de passage se fait et des chemins de randonnées les traversent avec le consentement du propriétaire. Ça me parait après tout normal, tant qu'aucun dommage n'est fait on peut partager l'espace. C'est le statut qu'a actuellement le parc du Panul; en attente de savoir s'il deviendra un parc communautaire ou cessera d'être une forêt pour être bâti. 



La cascade des Aguas de Ramon
 - les terrains qui sont convertis en parcs privés, à entrée payante ou non, selon le bon vouloir du propriétaire. C'est intéressant de voir que le fait que les parcs nationaux soient payants entraine qu'on ne les différencie plus tellement des parcs privés. 
En bordure de Santiago, on trouve par exemple le parc Aguas de Ramon, qui est géré et exploité par Aguas Andinas pour approvisionner la capitale en eau. Mais sa localisation à 2 pas de la ville, la vue qu'offre la Cordillère et la forêt en font un superbe décor pour des randonnées. La compagnie a donc décidé de laisser le public visiter le parc et propose aussi des programmes d'éducation à l'environnement pour les plus jeunes, contre participation financière. 








Centre d'accueil des visiteurs du Parque Pumalin
Un autre exemple de forêt privée à vocation de parc est celui du Parc Pumalin, dans la Patagonie chilienne. Douglas Tompkins, un Américain tombé sous le charme de la région achète depuis 1990 des terrains dans la région de Chaiten. Il en achète tellement que la route qui relie Puerto Montt à Chaiten n'a d'autre choix que de passer sur ses terrains, pour cause leur surface dépasse les 290.000 ha! Il crée une fondation pour administrer le parc et lève des fonds pour que l'entrée soit gratuite. La population locale voit de tels investissements extérieurs d'un oeil méfiant, surtout dans le contexte d'HydroAysen, ce projet de barrages à travers la Patagonie. Suite à l'éruption du Volcan Chaiten en 2010, Douglas Tompkins, s'investit dans la restauration écologique du parc et les résultats sont plus que satisfaisants. 
Passant près d'une entrée du parc, je décide d'y passer une journée pour voir les merveilles qu'il recèle...
Entrée du parc Pumalin
 Et bien,non, je n'irai pas au parc Pumalin, car depuis la route principale, ce sont 15 km de route (certes goudronnée avec panneaux de limitation de vitesse, lampadaires électriques tout du long et herbe verte bien tondue sur les bas côté) qu'il faut emprunter. Et quand on a pas de voiture... Eh bien tant pis... Car cette entrée n'attire pas les foules et en 1heure d'attente, personne ne s'y engage! Légère frustration de ne pas voir un tel sanctuaire de la nature, mais les chanceux qui ont pu y aller ont dû se régaler : je vous laisse jeter un œil au site officiel.

Ajout d'avril : Nouveauté dans le parc Pumalin
Douglas Tompkins vient de proposer à Michelle Bachelet, à nouveau présidente du Chili depuis cet hiver, de donner le parc à l'Etat. La condition? En faire une réserve nationale. On ne sait pas si le gouvernement va accepter d'en reprendre la gestion mais cela mettra un terme aux discussions sur les intérêts de M. Tompkins à acheter la Patagonie.

Au niveau de la forêt privée (non communautaire), on trouve un peu de toutes les formules qui se déclinent selon les propriétaires. Il y a clairement un enjeu de respect de la propriété privée et il est extrêmement courant de voir des barbelés surgir au milieu de nulle part pour indiquer la défense d'entrer. Mais, par intérêt financier ou pour celui de la nature, certains de ces terrains sont ouverts au public et permettent de découvrir les richesses du Chili.





mercredi 12 mars 2014

L'accès à la forêt. 2/3


2 Les parcs communautaires


Plaquette de présentation du parc
Ces parcs sont dans la plupart des cas des terrains privés qui ont été rachetés par des associations/groupements de personnes pour les préserver de l'urbanisation et en protéger le patrimoine. Car malheureusement l'Etat n'en a pas les moyens ou n'en fait pas sa priorité. Cependant, les porteurs de projet sont souvent aidés dans leur démarche, et à fortiori pour la gestion, par la CONAF. 

Pour l'instant on en trouve surtout dans le Sud du Chili, dans les régions des lacs où vivent les communautés indigènes. Le réseau Mapu Lahual en rassemble 9, qui sont situés le long de la côte de la région d'Osorno pour préserver des espèces d'arbres comme l'Alerce. D'ailleurs un de ces 9 parcs se trouve à Mailcophue (cf article sur les Mapuches) et la ballade vaut le détour.
















Photos prises dans le parc communautaire de Mailcophue

Dans les rochers et au bord de l'eau on voit même quelques lions de mers et pingouins!

Bon pour l'instant il n'est pas à sa pleine capacité de fonctionnement mais on espère un développement de l'écotourisme d'une part et surtout un travail étroit avec les écoles environnantes.




Autre exemple de parc communautaire mais avec des enjeux très différents, le Panul.

Ce parc communautaire est seulement à l'état de projet pour l'instant et c'est Fanny Coulombié, élève à AgroParisTech, qui vient d'en tirer un premier bilan après avoir passé 6 mois de stage de CEI à en étudier les enjeux. Je la remercie chaleureusement de m'avoir tenue informée sur le sujet tout au long de son stage et j'espère reproduire au mieux un aperçu de son travail ici.

Le liolaemus tenuis, lézard typique chilien
Le Panul est pour l'instant un fundo privado, c'est à dire un terrain appartenant à un propriétaire privé. Il est situé entre La Florida et Puente Alto, 2 des banlieues les plus pauvres et les plus peuplées au sud de Santiago. C'est vraiment un lieu de récréation pour les habitants, on vient s'y balader, faire du vélo, et rien qu'à regarder, un peu de verdure c'est assez agréable. De plus, la faune et la flore y sont très riches car le parc contient quelques spécimens d'espèces protégées.


Malheureusement, la ville et le gouvernement ont de grands projets pour un tel terrain, car même s'ils ne peuvent pas y construire d'habitations, rien n’exclut la construction de centres sportifs, musées, bibliothèques ou centres commerciaux. Une association a donc lancé l'alerte et essaye de sensibiliser et mobiliser pour sauvegarder le Panul.
Réseau pour la défense de la précordillère
La solution la plus simple devant l'absence d'action de l'Etat est de racheter le terrain et d'en faire un parc communautaire. Mais qui peut payer? Étonnamment, les familles des quartiers alentours pourtant pauvres expriment un Consentement à Payer assez élevé, même lorsqu'elles n'en sont pas des utilisatrices car elles reconnaissent la valeur et les bénéfices du parc sur leur quartier. 
Localisation du Panul,
en jaune la limite d'urbanisation actuelle, menace directe pour le parc.
Crédit : Frank Patiño
En attendant que le bras de fer entre la mairie et l'association se termine, la situation n'évolue pas beaucoup. De deadline en deadline, les projets se succèdent puis se bloquent. On espère fortement un dénouement vers un parc public communautaire car cet espace vert se convertirait en lieu de récréation, de protection de la faune et la flore et inclurait des programmes d'éducation environnementale. Tout ce qui pourrait aider les quartiers défavorisés de Puente Alto et La Florida à se désenclaver et sortir de leur mauvaise réputation.



Les parcs communautaires ont parfois du mal à émerger mais quand ils s'installent, une vraie dynamique citoyenne s'installe, que ça soit pour les communautés indigènes ou les habitants de Santiago.




mardi 11 mars 2014

L’accès à la forêt. 1/3

1 Les forêts publiques
Ces forêts appartiennent à l’état et sont gérées par la CONAF. Avec 7.500.000 ha de forêts natives (52% des forêts natives du territoire) et seulement 1700 ha de plantations (moins de 0.07% des plantations !) les forêts publiques sont clairement orientées vers la protection, soit des terrains soit de la biodiversité et des écosystèmes. Un peu plus de la moitié d’entre elles font partie du réseau des SNASPE, ce qui confirme le rôle de protection de la biodiversité.
Cet article va vous présenter quelques traits de leur gestion/fonctionnement, pas d’exemples mais vous trouverez de nombreuses photos, juste pour le plaisir des yeux, de ces forêts du SNASPE dans d’autres articles de la catégorie Parcs.
Le Parc National Vicente Perez Rosales, plus vieux parc du Chili crée en 1926
On trouve au total 36 parcs nationaux (de taille importante, ils comportent des écosystèmes rares mais qui gardent la capacité de se régénérer tant que l’intervention humaine y est faible), 49 réserves nationales (de taille plus limitée, les réserves sont plus fragiles que les parcs et des interventions de conservation sont nécessaires pour les conserver), et 15 monuments naturels (de taille très réduite, ils se caractérisent par la présence de sites géologiques uniques ou par celle d’espèces natives rares. Ils ont en général une grande importance archéologique, culturelle ou naturelle).
Parfait pour découvrir le patrimoine biologique du Chili, ces forêts sont toutes plus belles les unes que les autres. Cependant quelques détails m’ont surprise dans tous les sites ou je suis allée :
Je n'avais pas envie de perdre mon
chemin dans le Parc national Alerce andino
-          Des sentiers sont bien balisés, avec un plan à l’entrée du parc et aucun risque de se perdre : on ne peut faire que des aller/retour ! Sur la dizaine de parcs ou j’ai dû aller, jamais une seule boucle ! Et bien sûr il n’est pas conseillé de jouer les aventuriers pour tailler à travers brousse.










-          En fait, ce ne sont pas des sentiers de randonnée mais plutôt de la balade voire de la promenade qu’on trouve dans certains parcs. La CONAF met un point d’honneur à ce que ces parcs soient accessibles par tous et elle y met les moyens : sentiers de découverte accessibles en chaise roulante, route, parking et centre d’information en plein milieu du parc… A se demander parfois s’ils respectent l’idée d’un impact réduit de l’homme !
Les passerelles des Saltos de Petrohué ont accueilli plus de 176.000 visiteurs en janvier et février 2014
-          Et denier point, qui est celui qui m’a le plus étonnée je dois avouer, les entrées dans ces parcs/réserves/monuments sont payantes. De mon point de vue français, j’ai trouvé ça très surprenant : les parcs appartiennent à l’Etat et sont gérés par un organisme de l’état, ils ne peuvent pas être autrement que gratuits. Et bien non. A chaque point d’accès du parc, on vous demande de payer une entrée, dont le prix varie entre 3 et 35 € selon le parc et la nationalité du visiteur (et de sa capacité à discuter amicalement tout en négociant avec le garde forestier).

Petit focus sur le fait de payer l’accès aux parcs nationaux :
J’ai mené une rapide étude avec des interviews de Chiliens rencontrés dans les parcs, de collègues, et de gardes forestiers pour leur demander ce qu’ils pensaient de ce système. Et bien à l’unanimité, ils sont d’avis à garder un prix d’entrée dans les parcs. Ils considèrent ça comme un loisir, qui a un coût, tout autant que d’aller au cinéma. Le fait que les parcs appartiennent à l’Etat ? Peu importe, il faut bien payer les gardes forestier et autres actions de la CONAF. Et c’est là que j’ai le déclic et me souviens que la CONAF ne tire quasi aucun revenu avec la vente du bois, gère les incendies et propose des programmes de sensibilisation et éducation à l’environnement. Effectivement tout cela a un coût et ce sont les utilisateurs qui le payent, plutôt que de le prélever des impôts ou de le soustraire d’un autre budget.
Il faut quitter la route principale pour 7 km de chemin de terre
(soit 1h de voiture vu l'état) pour atteindre le parc Alerce andino

Rien à faire d’autre que de s’incliner devant l’évidence, mais avec des prix d’entrée parfois un peu élevés, ainsi que des parcs trèèèèèèèèèèèèès loin de tout transport en commun (j’en ai malheureusement fait l’expérience plusieurs fois), ça ne serait pas prohibitif pour certaines classes sociales ? On me concède que oui, si on est une famille de 4 personnes, sans voiture ça devient un luxe d’aller se promener dans un parc national… Dommage, surtout quand 86% de la population vit dans des villes et aurait besoin de s’aérer un peu. Quand je leur explique la situation en France on me répond qu’on a un Etat qui s’endette pour rien. Question de point de vue dirons nous.







Etat providence VS prix d’entrée c’est un peu un choc culturel. Toujours est-il que la fréquentation des parcs naturels est en croissance et qu’ils ont bien gérés, pourquoi remettre ce système en question ?