vendredi 14 mars 2014

L’accès à la forêt. Conclu

Après cette petite série d’articles traitant d’où et comment on peut aller prendre l’air et profiter de la forêt, quel est le bilan ?
Les plantations sont toutes des forets privées,  et en majorité possédées par des grands groupes. Parmi eux on peut citer Arauco et CMPC, leaders de l’industrie de la cellulose au Chili.  Les plantations sont en Pinus radiata et en Eucalyptus, à rotation courte et avec coupe rase, autant dire que je ne les ai même pas considérées dans les forêts où on aimerait se promener.
Les forêts natives sont à 56 % publiques (dont 29 qui sont protégées sous le statut de parc, réserve ou monument). On y trouve des paysages magnifiques, des écosystèmes rares et des merveilles de la nature mais l’accès est payant. Parmi celles qui sont privées, il faut se renseigner car on peut vite tomber sur des fils barbelés si le propriétaire ne veut pas que vous y entriez.
Alors oui la forêt au Chili est protégée, oui elle reste accessible au public, mais c’est considéré comme un loisir et non un droit. Le site Wikiexplora.com répertorie les balades et randonnées à travers le Chili, indépendamment du type de forêt et indique comment s’y rendre, les équipements disponibles pour l'accueil du public  ainsi que les droits d’entrées.

jeudi 13 mars 2014

L’accès à la forêt. 3/3

3 Les fundos privados

Cette dernière catégorie est celle à laquelle on a le moins facilement accès. En effet, ces terrains sont privés et appartiennent souvent à de grands propriétaires ou à des entreprises. Contrairement aux terrains communautaires ou à ceux de la CONAF (où leur vocation est un accès du public couplé à la protection du terrain), on distingue ici plusieurs grands cas de figure : 

Photo prise dans la région de Rancagua
- les terrains qui appartiennent à des individuels ou grandes entreprises (souvent minières) qui ne veulent absolument pas qu'on y entre, et c'est dans leur droit. Autant dire qu'on ne s'y aventure pas vraiment.






- les terrains où il n'y a pas d'interdiction tant qu'il n'y a pas de dégradation. Une sorte de droit de passage se fait et des chemins de randonnées les traversent avec le consentement du propriétaire. Ça me parait après tout normal, tant qu'aucun dommage n'est fait on peut partager l'espace. C'est le statut qu'a actuellement le parc du Panul; en attente de savoir s'il deviendra un parc communautaire ou cessera d'être une forêt pour être bâti. 



La cascade des Aguas de Ramon
 - les terrains qui sont convertis en parcs privés, à entrée payante ou non, selon le bon vouloir du propriétaire. C'est intéressant de voir que le fait que les parcs nationaux soient payants entraine qu'on ne les différencie plus tellement des parcs privés. 
En bordure de Santiago, on trouve par exemple le parc Aguas de Ramon, qui est géré et exploité par Aguas Andinas pour approvisionner la capitale en eau. Mais sa localisation à 2 pas de la ville, la vue qu'offre la Cordillère et la forêt en font un superbe décor pour des randonnées. La compagnie a donc décidé de laisser le public visiter le parc et propose aussi des programmes d'éducation à l'environnement pour les plus jeunes, contre participation financière. 








Centre d'accueil des visiteurs du Parque Pumalin
Un autre exemple de forêt privée à vocation de parc est celui du Parc Pumalin, dans la Patagonie chilienne. Douglas Tompkins, un Américain tombé sous le charme de la région achète depuis 1990 des terrains dans la région de Chaiten. Il en achète tellement que la route qui relie Puerto Montt à Chaiten n'a d'autre choix que de passer sur ses terrains, pour cause leur surface dépasse les 290.000 ha! Il crée une fondation pour administrer le parc et lève des fonds pour que l'entrée soit gratuite. La population locale voit de tels investissements extérieurs d'un oeil méfiant, surtout dans le contexte d'HydroAysen, ce projet de barrages à travers la Patagonie. Suite à l'éruption du Volcan Chaiten en 2010, Douglas Tompkins, s'investit dans la restauration écologique du parc et les résultats sont plus que satisfaisants. 
Passant près d'une entrée du parc, je décide d'y passer une journée pour voir les merveilles qu'il recèle...
Entrée du parc Pumalin
 Et bien,non, je n'irai pas au parc Pumalin, car depuis la route principale, ce sont 15 km de route (certes goudronnée avec panneaux de limitation de vitesse, lampadaires électriques tout du long et herbe verte bien tondue sur les bas côté) qu'il faut emprunter. Et quand on a pas de voiture... Eh bien tant pis... Car cette entrée n'attire pas les foules et en 1heure d'attente, personne ne s'y engage! Légère frustration de ne pas voir un tel sanctuaire de la nature, mais les chanceux qui ont pu y aller ont dû se régaler : je vous laisse jeter un œil au site officiel.

Ajout d'avril : Nouveauté dans le parc Pumalin
Douglas Tompkins vient de proposer à Michelle Bachelet, à nouveau présidente du Chili depuis cet hiver, de donner le parc à l'Etat. La condition? En faire une réserve nationale. On ne sait pas si le gouvernement va accepter d'en reprendre la gestion mais cela mettra un terme aux discussions sur les intérêts de M. Tompkins à acheter la Patagonie.

Au niveau de la forêt privée (non communautaire), on trouve un peu de toutes les formules qui se déclinent selon les propriétaires. Il y a clairement un enjeu de respect de la propriété privée et il est extrêmement courant de voir des barbelés surgir au milieu de nulle part pour indiquer la défense d'entrer. Mais, par intérêt financier ou pour celui de la nature, certains de ces terrains sont ouverts au public et permettent de découvrir les richesses du Chili.





mercredi 12 mars 2014

L'accès à la forêt. 2/3


2 Les parcs communautaires


Plaquette de présentation du parc
Ces parcs sont dans la plupart des cas des terrains privés qui ont été rachetés par des associations/groupements de personnes pour les préserver de l'urbanisation et en protéger le patrimoine. Car malheureusement l'Etat n'en a pas les moyens ou n'en fait pas sa priorité. Cependant, les porteurs de projet sont souvent aidés dans leur démarche, et à fortiori pour la gestion, par la CONAF. 

Pour l'instant on en trouve surtout dans le Sud du Chili, dans les régions des lacs où vivent les communautés indigènes. Le réseau Mapu Lahual en rassemble 9, qui sont situés le long de la côte de la région d'Osorno pour préserver des espèces d'arbres comme l'Alerce. D'ailleurs un de ces 9 parcs se trouve à Mailcophue (cf article sur les Mapuches) et la ballade vaut le détour.
















Photos prises dans le parc communautaire de Mailcophue

Dans les rochers et au bord de l'eau on voit même quelques lions de mers et pingouins!

Bon pour l'instant il n'est pas à sa pleine capacité de fonctionnement mais on espère un développement de l'écotourisme d'une part et surtout un travail étroit avec les écoles environnantes.




Autre exemple de parc communautaire mais avec des enjeux très différents, le Panul.

Ce parc communautaire est seulement à l'état de projet pour l'instant et c'est Fanny Coulombié, élève à AgroParisTech, qui vient d'en tirer un premier bilan après avoir passé 6 mois de stage de CEI à en étudier les enjeux. Je la remercie chaleureusement de m'avoir tenue informée sur le sujet tout au long de son stage et j'espère reproduire au mieux un aperçu de son travail ici.

Le liolaemus tenuis, lézard typique chilien
Le Panul est pour l'instant un fundo privado, c'est à dire un terrain appartenant à un propriétaire privé. Il est situé entre La Florida et Puente Alto, 2 des banlieues les plus pauvres et les plus peuplées au sud de Santiago. C'est vraiment un lieu de récréation pour les habitants, on vient s'y balader, faire du vélo, et rien qu'à regarder, un peu de verdure c'est assez agréable. De plus, la faune et la flore y sont très riches car le parc contient quelques spécimens d'espèces protégées.


Malheureusement, la ville et le gouvernement ont de grands projets pour un tel terrain, car même s'ils ne peuvent pas y construire d'habitations, rien n’exclut la construction de centres sportifs, musées, bibliothèques ou centres commerciaux. Une association a donc lancé l'alerte et essaye de sensibiliser et mobiliser pour sauvegarder le Panul.
Réseau pour la défense de la précordillère
La solution la plus simple devant l'absence d'action de l'Etat est de racheter le terrain et d'en faire un parc communautaire. Mais qui peut payer? Étonnamment, les familles des quartiers alentours pourtant pauvres expriment un Consentement à Payer assez élevé, même lorsqu'elles n'en sont pas des utilisatrices car elles reconnaissent la valeur et les bénéfices du parc sur leur quartier. 
Localisation du Panul,
en jaune la limite d'urbanisation actuelle, menace directe pour le parc.
Crédit : Frank Patiño
En attendant que le bras de fer entre la mairie et l'association se termine, la situation n'évolue pas beaucoup. De deadline en deadline, les projets se succèdent puis se bloquent. On espère fortement un dénouement vers un parc public communautaire car cet espace vert se convertirait en lieu de récréation, de protection de la faune et la flore et inclurait des programmes d'éducation environnementale. Tout ce qui pourrait aider les quartiers défavorisés de Puente Alto et La Florida à se désenclaver et sortir de leur mauvaise réputation.



Les parcs communautaires ont parfois du mal à émerger mais quand ils s'installent, une vraie dynamique citoyenne s'installe, que ça soit pour les communautés indigènes ou les habitants de Santiago.




mardi 11 mars 2014

L’accès à la forêt. 1/3

1 Les forêts publiques
Ces forêts appartiennent à l’état et sont gérées par la CONAF. Avec 7.500.000 ha de forêts natives (52% des forêts natives du territoire) et seulement 1700 ha de plantations (moins de 0.07% des plantations !) les forêts publiques sont clairement orientées vers la protection, soit des terrains soit de la biodiversité et des écosystèmes. Un peu plus de la moitié d’entre elles font partie du réseau des SNASPE, ce qui confirme le rôle de protection de la biodiversité.
Cet article va vous présenter quelques traits de leur gestion/fonctionnement, pas d’exemples mais vous trouverez de nombreuses photos, juste pour le plaisir des yeux, de ces forêts du SNASPE dans d’autres articles de la catégorie Parcs.
Le Parc National Vicente Perez Rosales, plus vieux parc du Chili crée en 1926
On trouve au total 36 parcs nationaux (de taille importante, ils comportent des écosystèmes rares mais qui gardent la capacité de se régénérer tant que l’intervention humaine y est faible), 49 réserves nationales (de taille plus limitée, les réserves sont plus fragiles que les parcs et des interventions de conservation sont nécessaires pour les conserver), et 15 monuments naturels (de taille très réduite, ils se caractérisent par la présence de sites géologiques uniques ou par celle d’espèces natives rares. Ils ont en général une grande importance archéologique, culturelle ou naturelle).
Parfait pour découvrir le patrimoine biologique du Chili, ces forêts sont toutes plus belles les unes que les autres. Cependant quelques détails m’ont surprise dans tous les sites ou je suis allée :
Je n'avais pas envie de perdre mon
chemin dans le Parc national Alerce andino
-          Des sentiers sont bien balisés, avec un plan à l’entrée du parc et aucun risque de se perdre : on ne peut faire que des aller/retour ! Sur la dizaine de parcs ou j’ai dû aller, jamais une seule boucle ! Et bien sûr il n’est pas conseillé de jouer les aventuriers pour tailler à travers brousse.










-          En fait, ce ne sont pas des sentiers de randonnée mais plutôt de la balade voire de la promenade qu’on trouve dans certains parcs. La CONAF met un point d’honneur à ce que ces parcs soient accessibles par tous et elle y met les moyens : sentiers de découverte accessibles en chaise roulante, route, parking et centre d’information en plein milieu du parc… A se demander parfois s’ils respectent l’idée d’un impact réduit de l’homme !
Les passerelles des Saltos de Petrohué ont accueilli plus de 176.000 visiteurs en janvier et février 2014
-          Et denier point, qui est celui qui m’a le plus étonnée je dois avouer, les entrées dans ces parcs/réserves/monuments sont payantes. De mon point de vue français, j’ai trouvé ça très surprenant : les parcs appartiennent à l’Etat et sont gérés par un organisme de l’état, ils ne peuvent pas être autrement que gratuits. Et bien non. A chaque point d’accès du parc, on vous demande de payer une entrée, dont le prix varie entre 3 et 35 € selon le parc et la nationalité du visiteur (et de sa capacité à discuter amicalement tout en négociant avec le garde forestier).

Petit focus sur le fait de payer l’accès aux parcs nationaux :
J’ai mené une rapide étude avec des interviews de Chiliens rencontrés dans les parcs, de collègues, et de gardes forestiers pour leur demander ce qu’ils pensaient de ce système. Et bien à l’unanimité, ils sont d’avis à garder un prix d’entrée dans les parcs. Ils considèrent ça comme un loisir, qui a un coût, tout autant que d’aller au cinéma. Le fait que les parcs appartiennent à l’Etat ? Peu importe, il faut bien payer les gardes forestier et autres actions de la CONAF. Et c’est là que j’ai le déclic et me souviens que la CONAF ne tire quasi aucun revenu avec la vente du bois, gère les incendies et propose des programmes de sensibilisation et éducation à l’environnement. Effectivement tout cela a un coût et ce sont les utilisateurs qui le payent, plutôt que de le prélever des impôts ou de le soustraire d’un autre budget.
Il faut quitter la route principale pour 7 km de chemin de terre
(soit 1h de voiture vu l'état) pour atteindre le parc Alerce andino

Rien à faire d’autre que de s’incliner devant l’évidence, mais avec des prix d’entrée parfois un peu élevés, ainsi que des parcs trèèèèèèèèèèèèès loin de tout transport en commun (j’en ai malheureusement fait l’expérience plusieurs fois), ça ne serait pas prohibitif pour certaines classes sociales ? On me concède que oui, si on est une famille de 4 personnes, sans voiture ça devient un luxe d’aller se promener dans un parc national… Dommage, surtout quand 86% de la population vit dans des villes et aurait besoin de s’aérer un peu. Quand je leur explique la situation en France on me répond qu’on a un Etat qui s’endette pour rien. Question de point de vue dirons nous.







Etat providence VS prix d’entrée c’est un peu un choc culturel. Toujours est-il que la fréquentation des parcs naturels est en croissance et qu’ils ont bien gérés, pourquoi remettre ce système en question ?

lundi 10 mars 2014

L’accès à la forêt. Intro


J'ai pas souvent vu ça en France et ça m'intrigue...

 
Photo prise dans la région de Rancagua
Assez dissuasif je trouve.


Alors au fil de mes randonnées je me suis demandée à qui appartenait la forêt et comment on y avait accès. Cette série d'articles va essayer, au travers d'exemples, de vous faire saisir les différences, points forts et points faibles des types de parcs.
Mais avant cela, un petit aperçu des propriétaires de la forêt chilienne.



Sources : Cadastre des ressources forestières de 1997 et Recensement national agricole de 2007


Pas très équilibré tout ça ! Petites précisions de vocabulaire pour mieux comprendre :
  • Le SNASPE (Sistema Nacional de Áreas Silvestres Protegidas del Estado, Système national de forêts publiques protégées) est l’outil principal de protection de l’état. Il comprend les niveaux de protection internationaux (parcs, réserves, monuments) et cherche à préserver la biodiversité. Il s’étend aussi sur des aires marines mais elles ne sont pas comptabilisées ci-dessus
  • Les forêts de protection : la traduction directe de l’espagnol dirait forêts fiscales du ministère des biens publics. C’est une bande d’au moins 10 km de large le long de la Cordillère en orientation Nord Sud qui sert à assurer une bonne qualité de l’eau et à prévenir l’érosion, d’où le rapprochement avec les forêts de protection de montagne.
  • Petits propriétaires : Moins de 12 hectares
  • Propriétaires moyens : Plus de 12 hectares et dont les ventes n’excèdent pas 3.200.000€/an
  • Grands propriétaires : Quelle que soit la surface tant que les ventes dépassent 3.200.000€/an
En bref, différents propriétaires et différentes contraintes. Comme on peut s'y attendre, les conditions d'accès pour le public ne sont pas les mêmes selon les circonstances.